« La simplicité est la sophistication suprême. » Leonardo Da Vinci

Par François Barbeau ([email protected])

C’est sur cette célèbre phrase de Da Vinci que je vous propose ma réflexion sur l’utilisation d’un tableau physique ou électronique dans le cadre d’une transformation agile.

Trello, Lean Kit, Hansoft, TFS, JIRA, etc. Il existe une quantité phénoménale d’outils électroniques. Ils sont en général très fonctionnels. Est-ce que l’utilisation de ces derniers amène nécessairement le savoir-être agile? Non.

Je suis Scrum Master depuis un peu plus de 10 ans. 50% de mes mandats se sont réalisé sur des tableaux traditionnels. J’ai constaté que les deux approches ont des avantages, mais aussi certains inconvénients.

Quelle est la nature de Scrum?

Scrum est léger, simple. Pourtant complexe à mettre en place. Scrum est volontairement incomplet. Pourquoi? Parce que Scrum n’est pas une solution, mais bien une suite de pratiques, de recommandations qui vise essentiellement à changer le savoir-être des individus afin de mieux livrer. Rappelons-nous que Scrum est un cadre de travail plus qu’une méthodologie. Une méthodologie est plutôt une suite de pratiques qu’il faut appliquer à la lettre sans tenir compte du contexte de vos équipes. Les piliers Scrum misent sur l’importance de la communication, j’ai nommé la transparence. La connaissance commune de l’avancée de l’itération permet ensuite de s’inspecter afin de pouvoir s’adapter. La boucle de l’amélioration est en place.

L’effet tunnel VS l’effet fédérateur

Scrum nous propose plusieurs types de rencontres entre les membres de l’équipe. Elles ont toutes des objectifs clairement identifiés et connus de tous. On répond ici à 2 principes du manifeste agile :

  • Favoriser les discussions face à face :
    • La conversation en face à face est la méthode la plus efficace et la plus économique pour donner des informations à une équipe de réalisation, et pour échanger des informations à l’intérieur de l’équipe.
  • Laissez les gens travailler :
    • Construisez les projets à partir de personnes motivées. Donnez-leur l’environnement et le soutien dont elles ont besoin et faites-leur confiance pour mener à bien le travail.

Scrum reconnaît l’importance de la rencontre des individus et leurs interactions.

  • Valeur agile : Scrum repose sur les gens plus que les processus.

Maintenant, est-ce que les outils électroniques de gestion de projet favorisent ce contexte? Non. Dans JIRA il est même possible de filtrer les tâches. Ainsi, les usagers peuvent voir seulement les tâches qui leur sont assignées. Les gens qui adoptent ce type de comportement n’ont pas une vision commune de leur itération. Ajouter à cela, une organisation qui accepte de mettre des individus dans plusieurs équipes Scrum. Donc des gens non dédiés. Ces deux éléments semblent bien anodins, mais ils contribuent à freiner l’émergence du savoir-être agile, de la vision commune du sprint. Chez une équipe qui compte plusieurs années d’expérience en agilité et dédiées, les effets négatifs sont moins présents. Bref, Scrum n’encourage pas ce type de comportement.

D’un autre côté, que peut vous apporter un tableau physique?

Voici un beau parallèle avec une publicité d’IKEA sur les avantages de leur catalogue :

https://www.youtube.com/watch?v=MOXQo7nURs0

Lors de mon premier essai avec un outil virtuel (qui n’a duré qu’un seul sprint) à titre de Scrum Master, un membre de mon équipage m’interpela :

  • Maxime : « Je n’aime pas ton nouvel outil! »
  • François : « Vraiment? C’est pourtant super pratique. Le burndown se met à jour tout seul. »
  • Maxime : « C’est que le matin quand je démarre mon poste, je prends le temps d’aller voir notre tableau. Souvent, quand les autres arrivent, ils font la même chose que moi et on discute de l’état du sprint, de l’apparition de nouveaux bugs, etc. »
  • François : « Je comprends! On va imprimer le sprint tout de suite et retournez sur le tableau. »

Servant leader! Cette journée-là, j’avais compris quelque chose de bien important. Le lieu! Il y a une proximité avec tableau physique que les outils virtuels ne peuvent égaler.

Du côté des outils virtuels, il y a des constatations qui n’aident pas à élever les comportements agiles recherchés :

  • L’Équipe doit maîtriser l’outil;
    • On ne donne pas toujours la formation sur le fonctionnement de l’outil afin de gérer les attentes;
  • Les indicateurs sont parfois difficiles à trouver;
    • Comme dans JIRA par exemple, contrairement à TFS qui est toujours accessible en haut à droite.
  • Nous ne sommes pas à l’abri d’un bris de service………. Je l’ai vécu!
  • On peut filtrer les tâches qui nous intéressent.
    • Devons-nous livrer nos tâches personnelles ou livrer l’itération complète?
  • En un seul coup d’œil : il est impossible de voir le sprint dans son ensemble. Car nous devons « scroller » avec la barre de défilement.
  • Avec un tableau physique, tout est visible tout temps.

En conclusion, le tableau physique est un lieu, ce que l’outil virtuel ne peut générer.

La simplicité aide à l’adhésion

Les outils virtuels peuvent proposer un très grand niveau de complexité. Un tableau physique peut être comparé à un vélo et TFS à une navette spatiale. La complexité de ces outils peut freiner leur utilisation par les membres de l’équipe! Combien de fois ai-je entendu :

« Je n’ai pas le temps d’aller dans JIRA pour mettre mes tâches à jour! »

Les attentes de fonctionnements d’équipe en agilité sont parfois difficiles à mettre en place. L’utilisation d’un tableau physique est simple. C’est un grand avantage pour que l’équipe s’approprie son fonctionnement.

Le design moderne en Allemagne dans les années 20 au Bauhaus a aussi proposé des approches simplifiées du design:

Directeur du Bauhaus 1930: Mies van der Rohe prône le « less is more ».

Moins les outils et règles de fonctionnement sont complexes et plus l’adhésion se fera facilement.

Wassyli Chair : Marcel Breuer (1925)

 

Déjà si le contexte de vos équipes est difficile, il est recommandé de rester dans le « juste assez et juste à temps ».

Ne cherchez pas à complexifier vos règles de fonctionnements agiles si vous voulez maximiser l’adhésion.

En conclusion, favoriser l’utilisation d’un tableau physique vous permettra de décloisonner plus rapidement vos équipages.

Les avantages des outils électroniques

Trello, TFS, LeanKit, Hansoft… Il existe une offre exceptionnellement large. Ces outils ont aussi des avantages!

Lorsque votre équipe aura bien implémenté les bons comportements agiles, vous pourrez vous questionner à basculer avec un outil de suivi électronique.

Indicateurs :

Vous disposerez de plusieurs indicateurs, dont les Burndown Chart et Sunset Graph. Les mises à jour sont automatiques.

Product Backlog :

La gestion du carnet de produit est beaucoup mieux adaptée qu’un chiffrier Excel. Vous disposerez aussi des niveaux de granularités tels les Épopées et Récits d’Utilisateur. Et dans le cadre de TFS : les « features ».

Calendrier à haut niveau :

Il vous sera aussi possible de faire un ordonnancement dans le temps des Épopées et Récits Utilisateurs (Wall Session).

Équipes éloignées :

Vous avez des contributeurs non localisés : les outils virtuels vous seront d’une grande aide afin d’avoir une vision commune de l’itération.

Équipes synchronisées :

Si vous désirez appliquer l’agilité à grande échelle (SAFE, Nexus): vous verrez un avantage à centraliser votre carnet de produit.

En conclusion

Chaque personne est différente. Chaque équipe est différente. Et les contextes le sont tout autant. Les équipes de travail doivent comprendre que l’agilité est essentiellement basée sur le « gros bon sens ». Idéalement, les équipiers doivent s’approprier les composantes de l’agilité. On ne doit pas imposer, mais expliquer. Scrum est incomplet. C’est pourquoi le propos de ce texte repose sur mes expériences vécues que je vous partage. À vous d’itérer! Et si cela ne fonctionne pas: essayez autre chose!

[email protected]